À l’approche de la fusion sur Ethereum qui aura lieu très prochainement, Samira Karrach – co-directrice du Centre d’innovation pour l’entrepreneuriat UCA et directrice des Projets Transversaux à l’Université Côte d’Azur – interroge nos modes d’organisations actuels au regard des innovations survenues dans l’industrie crypto, notamment sur la blockchain Ethereum. Retrouver ses arguments détaillés dans son article intitulé “Ces nouveaux modèles de management portés par les bâtisseurs de la blockchain” suivi d’une interview consacré à cet article. Une très belle réflexion sur la disruption opérée de la technologie blockchain avec l’émergence de nouveaux modes d’organisations qui s’imposent comme de véritables modèles. À déguster sans modération 😊.
_Ces nouveaux modèles de management portés par les bâtisseurs de la blockchain
La #blockchain est certainement à l’heure actuelle le plus grand lieu de l’innovation et du développement. C’est un immense laboratoire expérimental à ciel ouvert qui va contaminer tous les secteurs de l’industrie et de la connaissance. Tout ne réussit pas bien sûr, mais tout s’y teste, tout azimut, sans complexe ni validation officielle préalable, le tout avec un charmant degré d’imprévisible et parfois de génie. Tout n’y est pas utopique et rose, loin s’en faut, mais qu’est-ce qui permet qu’une telle ébullition, à première vue non ordonnée, soit créatrice d’autant de valeur ? Un management novateur basé sur :
- La décentralisation: elle est le propre des projets blockchain. C’est un paradigme intellectuellement difficile à appréhender tant il est éloigné de ce qu’on connaît dans les entreprises classiques où la stratégie, les décisions et la mise en œuvre sont largement centralisées et descendantes. C’est pourtant le concept clé qui fait parvenir à une nouvelle vision plus libératrice du management d’un projet. Loin d’être un élément de désordre, la décentralisation sur la Blockchain garantie d’atteindre l’intérêt collectif par le consensus général et sans logique autoritaire ni tiers de confiance. Cela se concrétise notamment via la #DAO (Decentralized Autonomous Organisation) forme d’organisation ouverte dont les membres (détenteurs des tokens du projet) et parfois les parties prenantes décident de tout à partir de règles qui sont elles-mêmes le fruit direct du consensus de ce même groupe. Ces règles qui concernent des aspects fonctionnels et techniques comme des aspects de pure gouvernance peuvent évoluer à tout moment. Dans les faits c’est souvent la compétence de celui qui propose une évolution qui va faire autorité ou non sur l’adoption d’une proposition. C’est toute la différence entre faire le choix de la personne qu’il faut par préséance ou bienséance (comme bien souvent dans les organisations classiques) au lieu de celle qu’il aurait fallu par compétence Cela se concrétise aussi techniquement par la mise en œuvre d’un consensus basé sur un algorithme ne pouvant être modifié que par le vote majoritaire de validateurs pourtant totalement indépendants et installés aux 4 coins du globe ! Et c’est là tout le miracle de la blockchain : créer du consensus à partir de la somme d’intérêts qui n’ont pas besoin d’être convergents pour s’accorder.
- La transparence : corollaire de la décentralisation, la blockchain est en effet ce lieu où tout est accessible à tous en tout temps depuis le code source jusqu’à la moindre transaction. Sans savoir coder ou être un développeur informatique, il faut tout de même avoir un bon niveau de technicité pour comprendre ce que recèle ce grand registre, ou faire appel à un expert. Quelques projets émergents visent d’ailleurs désormais à rendre intelligible la lecture de toutes ces données. Mais l’information est protégée par cette connaissance partagée car tout le réseau en est à la fois le dépositaire et le validateur. C’est ce qui permet également la collaboration et l’amélioration constante de la technologie qui est challengée à 360 degrés, 7 jours sur 7 car tout le monde peut accéder au code source d’une blockchain, la dupliquer ou encore l’attaquer…. Quelle entreprise aujourd’hui pourrait afficher une telle sérénité ? La blockchain, elle, le démontre sans arrogance.
- La communauté : elle est le socle fondamental de toute entreprise du web3 que ce soit sur Discord, Telegram ou twitter… : le nouveau marqueur d’attachement à un projet ou une marque sera non seulement le fait de conserver des assets du projet mais également de pouvoir/devoir participer à son développement et son rayonnement. Ce qui détermine le succès d’un projet sera ainsi la capacité à créer de l’engagement. Les stratégies des projets blockchain ou web3 pour maintenir le lien avec leur communauté vont alors être décisives sur l’avenir de celui-ci tout autant pour des considérations fonctionnelles (ex : les mineurs), financières (les ICO) que de gouvernance (la DAO). Oussama Ammar ne lançait-il pas au moment du lancement de son projet NFT #PianoKing : « Avant on levait des fonds, maintenant on lève des armées ». Les membres d’une communauté et leur posture deviennent tout aussi importants que la levée de fonds et les deux sont en réalité même intimement liés. C’est aussi pourquoi la difficulté pour les « owners » (détenteurs des tokens) sera de sortir de la posture du « client » et de comprendre qu’ils sont collectivement les maîtres de leur destin. Leur action de promotion du projet sera tout aussi déterminante que celle de l’équipe porteuse dont ils sont finalement partie intégrante. C’est pourquoi il est toujours amusant d’observer les membres de certaines communautés alimenter des polémiques ou des FUD (fear, uncertainty and doubt) sans conscience qu’en définitive ils se nuisent à eux-mêmes en tant que détenteurs d’un ou plusieurs des assets (ou actifs). Malgré tout, les débats au sein des communautés maintiennent toujours une saine tension sur les projets et assurent leur pérennité et aussi parfois leur péril.
- La volatilité : tout le monde est libre d’aller et de venir dans les projets blockchain selon l’intérêt qu’il y trouve. Cela me rappelle un atelier prospectif que j’avais organisé il y a quelques années sur le présomptueux sujet des « RH en 2050 ». En compagnie de DRH de grands groupes et d’une poignée d’étudiants «GEN-Y », à partir d’une méthode d’anticipation et de sémiologie (analyse des signaux faibles), nous avions élaboré un scénario qui tend à se réaliser plus tôt que prévu : celui du démantèlement de l’organisation des entreprises telle qu’on la connaît au profit de collaborations éphémères basées sur des projets. C’est-à-dire que des équipes de freelancers se réuniront sur des opérations qui, une fois réalisées, se dissolvent ou perdurent sous de nouvelles formes et les participants se repositionnent alors sur de nouveaux projets. De ce point de vue le web3 va véritablement consacrer la volatilité des talents comme une nouvelle valeur économique et non comme une perte de compétences ; c’est toute la culture de la marque employeur qui serait à repenser.
Imaginez un instant une entreprise où un client, un prestataire, ou encore le gestionnaire RH propose une évolution majeure de l’objet social, où le reste de toutes les parties prenantes directes ou indirectes le suivent et que la décision soit implémentée pour le bien collectif. (c’est un peu caricaturé à dessein) Et bien le résultat de tout ceci n’est ni le désordre ni le chaos mais véritablement le consensus qui émerge dans une sorte de représentation bien plus parfaite de la démocratie que celle que nous connaissons en politique. C’est ce qui autorise d’ailleurs certains penseurs dont Vitalik Buterin à réfléchir à bon escient à de nouveaux modèles de gouvernance politique, bien que le taux de participation actuel dans les votes des DAO soit en réalité plus faible que le taux de participations aux élections majeures de la nation. Mais c’est également lié à la dimension très technique des sujets abordés et tout détenteur de token que l’on puisse être cela ne confère pas encore la compétence informatique nécessaire pour se prononcer. Toujours est-il que ces dirigeants emblématiques de la blockchain sont en train de créer sous nos yeux de nouveaux modes de fonctionnement dont l’entreprise devrait véritablement s’inspirer pour renouveler sa capacité créatrice.
_Interview de Samira Karrach
L’Éclairage Crypto : Bonjour Samira et merci d’avoir accepté notre invitation suite à la publication de votre article ci-dessus qui nous semble pertinent au vu du contexte actuel. Tout d’abord, pourriez-vous, vous présentez ? Quel est votre parcours et comment êtes-vous arrivé dans l’écosystème blockchain ?
Samira Karrach : merci à vous, comme beaucoup de personnes dans la blockchain j’ai un parcours atypique. Je suis diplômée en droit des affaires, ensuite j’ai commencé par être directrice exécutive de faculté de droit et économie avant d’encadrer des projets partenariaux plutôt tournés sur l’innovation.
Je suis également négociatrice aux Nations Unies pour la COP climat. Enfin je viens de faire certifier mes compétences en blockchain. La blockchain je m’y intéresse depuis plus d’un an et je l’ai véritablement découverte sur le tas en me portant acquéreur d’un NFT.
Si on se passionne pour ce domaine on apprend très rapidement en discutant avec les acteurs, c’est un environnement où il y a énormément de partage. J’ai donc commencé par apprendre sur le tas, sur les Discords et les exchanges (ou plateformes) en achetant des coins en passant toutes sortes de transactions et pour finir j’ai décidé de devenir consultante blockchain.
L’Éclairage Crypto : de quels nouveaux modèles de management parlez-vous exactement dans votre article ?
Samira Karrach : nous sommes formés et habitués à nous intégrer à un management plutôt vertical et centralisé. Ce que l’on peut observer et surtout vivre dans la blockchain ce sont différents types d’organisation, largement participative et basée sur la collaboration libre. Les relations sont horizontales et ouvertes. Il y a aussi beaucoup de bénévolat comme par exemple, les Développeur Mainteneur Principaux du Bitcoin. Mais la plupart du temps c’est plutôt subi que choisi et il sera bon de pouvoir réguler les interactions professionnelles. Que cela concerne les modes d’organisation des projets, ou le management des personnes ou encore le management et même le financement de l’innovation tout y est différent.
On observe donc des modèles décentralisés, ouverts, collaboratifs, et libres ! C’est pareil pour les projets de blockchain, de DApps ou les NFT…
L’Éclairage Crypto : qui sont les bâtisseurs de la blockchain ?
Samira Karrach : il y a les figures emblématiques bien sûr comme Satoshi et ses successeurs , Vitalik Butterin, Gavin Wood, ou même Do Kwon malgré son destin tragique.. Les projets sont souvent portés par des leaders qui les incarnent totalement en déployant leur vision. Mais l’originalité et l’attractivité de la blockchain résident aussi dans le fait qu’absolument tout le monde peut y participer. En se portant acquéreur d’un NFT on devient membre d’une communauté, en faisant du trading de crypto on intègre parfois la gouvernance des projets, en participant à une DAO on participe à des votes sur la trajectoire des projets, en faisant tourner un nœud, en minant ou en pratiquant le « staking » on participe au développement d’une cryptomonnaie … Tous les acteurs de l’écosystème sont des particules fondamentales de la blockchain et la caractérisent.
Nous sommes dans une période éminemment expérimentale passionnante et il n’est pas nécessaire d’être expert pour avoir le sentiment d’y bâtir quelque chose.
L’Éclairage Crypto : quel est votre sentiment sur l’adoption de ces nouveaux modèles de management ?
Samira Karrach : mon sentiment est que les managers de tous les secteurs pourraient s’inspirer de ce qui se passe dans la blockchain. S’inspirer ne veut pas dire transposer en bloc bien sûr. Mais d’une part nous avons besoin de renouveler nos aptitudes à la créativité pour continuer de rivaliser dans l’économie européenne et mondiale. Nous avons pu voir l’émergence de startup française de la blockchain déjà très bien positionnée comme Ledger, Sandbox, ou encore Ternoa. On assiste à un vrai renouveau, même la BPI annonce des investissements énormes.
D’autre part nous allons accueillir la GEN Z dans le monde actif et ils partagent largement ces codes de la blockchain. Ces futurs jeunes actifs sont plutôt portés sur le créatif, le collaboratif, ils sont hyperconnectés et confiants ils sont adeptes des relations horizontales.
Par ailleurs, il va y avoir un changement important avec le WEB3, c’est l’avènement de plateforme où les participants seront propriétaires de leur contenus. Par exemple les plateformes de réseaux sociaux en passant sur des modalités 3D de type Metaverse ne pourront pas éviter de reconnaître la propriété du contenu aux créateurs. Ce n’est pas le cas actuellement et ça va modifier les modèles économiques et les usages.
L’Éclairage Crypto : que prévoyez-vous pour l’horizon 2023 ? Allons-nous avoir plus d’adoptions ? Moins d’adoptions ? Et dans quelle mesure ?
Samira Karrach : pour paraphraser Clémenceau je dirais : « La blockchain est en marche et rien ne pourra l’arrêter. » Il est difficile d’imaginer que cette technologie qui apporte à la fois sécurité, fiabilité, et immutabilité ne contamine pas plusieurs secteurs de l’industrie en sortant de sa matérialisation strictement liée à la crypto, aux NFT et au Metaverse. Cela est d’ailleurs déjà le cas pour les chaînes d’approvisionnement, l’immobilier, le secteur de la comptabilité, le droit, le luxe ou encore les RH… J’ai écrit par exemple un article sur le CV du futur qui sera bientôt une collection de NFT contenu dans un wallet. Les applicatifs vont se multiplier et devenir très courants.
Beaucoup de banques nationales travaillent par exemple sur les monnaies numériques de banque centrale ou CBDC. C’est une des raisons pour lesquelles je pense qu’un des sujets majeurs de 2023 sera celui de la régulation. Le règlement MICA vise à introduire un système harmonisé, sécurisé avec des conditions de concurrence équitables (aller plus loin). Actuellement c’est encore largement la jungle au niveau de la régulation.
Et enfin l’interopérabilité va certainement être un des sujets phare en 2023 : comme pour internet il y aura un moment où l’adoption des mêmes standards d’échange de données doit s’imposer pour permettre de développer l’usage de la blockchain qui est en réalité constituée d’une multitude de protocoles qui ne communiquent pas encore véritablement de façon fluide et sécurisée.
L’Éclairage Crypto : quel conseil donneriez-vous aux crypto-curieux et entrepreneurs souhaitant incorporer ces nouveaux modèles ?
Samira Karrach : tout d’abord il faut pouvoir s’y exposer en direct pour comprendre comment tout ceci fonctionne. Pour cela il faut passer du temps dans les communautés elles sont pour la plus grande majorité largement accessibles et ouvertes sur Telegram, Discord, twitter par exemple. Je conseillerai de se rendre aux évènements dès que cela est possible les salons, les sommets. Le networking y est toujours assez facile c’est un monde très accessible. Participez aux hackathons et ne pas hésiter à y faire valoir ses compétences même si elles ne sont pas techniques. Participer au lancement d’un projet est réellement très formateur. Pourquoi pas également se former.
Il faut également se montrer extrêmement vigilant et DYOR comme on dit souvent : Do Your Own Research ! Parce que c’est un environnement encore peu régulé où se trouvent malheureusement un grand nombre de scams. Et enfin n’hésitez pas à faire appel à des experts et des consultants en blockchain.
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