Le bouleversement opéré par les stablecoins s’étend progressivement pour gagner les institutions financières. D’après Decrypt, sur la base des dires de Jay Powell, président de la FED ; un rapport décrivant les travaux menés, sur un dollar numérique, depuis le déploiement du e-yuan (la monnaie numérique de banque centrale de la Chine), sera communiqué et jaugé dans les semaines à venir.
Les MNBC sont des stablecoins, à l’instar des cryptomonnaies, elles sont (sans surprise) numériques, mais diffèrent au niveau de l’émetteur et de leur valeur intrinsèque.
En effet, les MNBC sont des monnaies électroniques adossées à une monnaie traditionnelle alors que les cryptomonnaies, hors stablecoins, tirent essentiellement leur valeur du marché.
Ainsi, la monnaie numérique de la Chine a sa valeur adossée au Yuan et la monnaie numérique de banque centrale du Nigeria : au Naira, la monnaie nationale. Elles sont amenées à être émises sur des blockchains privées et leur quantité est par définition contrôlée par la Banques Centrale qui émet les MNBC.
A contrario, le Bitcoin voit sa valorisation variée au gré de l’engouement suscité par la technologie, des avancées de cette dernière, des stratégies d’investissements et autres facteurs sociétaux. Bitcoin repose sur une blockchain publique (open source). La quantité de Bitcoin créée est fixe et les transactions sont anonymes (en savoir plus).
En somme, les MNBC sont un cas particulier des stablecoins qui sont des monnaies numériques adossées à un actif réel (en savoir plus).
Il existe deux types de MNBC. Des travaux existent pour les règlements/transferts au sein des institutions financières (banques centrales / banques commerciales), on parle alors de MNBC “de gros” (“wholesale” en anglais) d’autres concernent la monnaie en circulation et les échanges, il est alors question des MNBC “de détail”.
La montée en puissance des MNBC
Depuis 2019, de plus en plus de projets de MNBC voient le jour. Ce phénomène a pris de l’importance avec l’annonce du projet LIBRA (devenu par la suite DIEM) de Facebook (devenu META). On a commencé à s’intéresser au projet puis aux MNBC. Parallèlement, de plus en plus de personnes ont adopté le bitcoin et les cryptomonnaies. Il s’ensuivit une adoption croissante de projets de MNBC au niveau national.
- Comme nous pouvons le contacter sur le graphique ci-dessous, mi-2019, l’intérêt porté pour le Libra a rapidement diminué — courbe en bleu – alors que l’intérêt suscité par les MNBC augmentait crescendo – courbe en jaune.
- La position nette cumulée des discours concernant les projets de MNBC est devenue positive début 2020 et continue d’augmenter significativement jusqu’à aujourd’hui.
À ce jour, il existe trois MNBC utilisables par les populations (MNBC “de détail”) – aux Bahamas, dans les Caraïbes orientales et au Nigeria – et une prochainement en Jamaïque. On a 28 études préliminaires à petites échelles, et 68 banques centrales qui ont d’ores et déjà communiqué publiquement sur leurs travaux. En Chine le projet de MNBC est le plus abouti.
L’adoption des MNBC permet de rendre le système financier moins coûteux, car le recours à une monnaie électronique réduit les coûts liés à la production de billets et de pièces. Cela apporte également plus d’efficacité, en réduisant le temps des transactions qui sont allongées par les transferts de compte à compte et permet d’effectuer des transactions 24 h sur 24 / jours sur 7 (source).
Les différentes architectures de MNBC « de détail ».
Lorsque l’on dépose de l’argent à la banque, on est un créancier de la banque et la banque est alors créancière de la banque centrale. L’architecture utilisée pour les MNBC peut s’apparenter, plus ou moins, à ce mode de fonctionnement.
Il existe quatre architectures principales de MNBC identifiés par Raphael Auer, économiste principal à la Banque des règlements internationaux et Rainer Böhme, chercheur du CEPR et Professeur de sécurité et de confidentialité, Université d’Innsbruck (2020) :
1/ L’architecture de MNBC directe qui opère une rupture totale avec le système bancaire et financier traditionnel et place la Banque Centrale au cœur de la gestion des transactions opérée habituellement par les banques, appelés également “banques commerciales” dans le jargon économique. Dans ce cas de figure, les citoyens et les commerçants sont créanciers de la banque centrale qui gère directement les transactions. (cf. illustration dans le 1er encadré du graphique ci-dessous).
2/ L’architecture de MNBC hybride avec créance directe sur la banque centrale qui est un modèle à “deux niveaux”, dans laquelle la banque est un prestataire de services (PSP) et joue son rôle d’intermédiaire et de gestionnaire des transactions. Dans cette architecture, coexiste le registre des données de transactions traditionnel (KYC) et le grand livre blanc où sont enregistrées les transactions impliquant l’utilisation de MNBC. La banque centrale a accès à ce livre blanc de façon périodique. (2d encadré).
3/ L’architecture de MNBC hybride avec créance directe sur la banque centrale qui est à “deux niveaux” – elle aussi. La banque est prestataire de services. Dans cette architecture, coexistent également, le registre des données de transactions traditionnel (KYC) et le grand livre blanc où sont enregistrées les transactions faites avec la MNBC. Néanmoins, à la différence du modèle d’architecture hybride décrit ci-dessus, la banque centrale a accès en tout temps au livre blanc (3ᵉ encadré).
4/ L’architecture de MNBC indirecte dans laquelle les réserves de banque centrale garantiraient l’intégralité des dépôts et dans laquelle, la Banque centrale n’a pas accès au grand livre blanc (4ᵉ et dernier encadré).
Au niveau des banques centrales, l’adoption d’une Monnaie Numérique de Banque Centrale ne doit pas affecter le système financier. On estime devoir rester dans la continuité des services assurés par les institutions, à savoir, la mise à disposition d’un système de paiement universel, garanti et efficient.
Or, pour ce premier volet, les établissements bancaires jouent un rôle majeur en tant qu’intermédiaire de gestion des dépôts. Ils mettent à disposition un système de paiement, gèrent les transactions au jour le jour et permettent ainsi à l’économie de se développer tout en assumant les risques liés aux opérations, la banque centrale assumant sa part de risque dans la mise à disposition d’une structure de base et dans la gestion de la masse monétaire globale.
Pour toutes ces raisons citées, le déploiement d’une MNBC à architecture “direct” n’est certainement pas une option (source).
L’approche des MNBC de la Banque Populaire de Chine (BPOC)
Depuis 2016, des travaux étaient menés pour créer une monnaie numérique de banque centrale Chinoise, avec la création du Digital Currency Institute.
L’expansion récente de l’adoption des cryptos par la population chinoise (avec la pandémie) faisant de la Chine, l’un des principaux détenteurs de Bitcoin a conduit à l’accélération des travaux menés.
Ainsi, en octobre dernier, le yuan digital baptisé DCEP (Digital Currency Electronic Payment) a été lancé (en savoir plus).
Le modèle adopté est un modèle à “deux niveaux” afin de répartir les risques et d’éviter la perte des ressources déjà existantes. On est dans un modèle totalement centralisé, avec un rôle central accordé aux acteurs privés que sont les banques, mais le modèle fonctionne différemment du système traditionnel.
Le modèle « MNBC hybride » choisi est celui décrit en 2/ : il comporte une MNBC qui est une créance directe sur la BPOC et les services d’intégration et de paiement en temps réel sont exploités par les intermédiaires (appelés « opérateurs agréés »).
La banque centrale reçoit et stocke périodiquement une copie des avoirs et des transactions de détail (au niveau des particuliers et des commerçants).
Lors du déploiement à grande échelle, les intermédiaires financiers resteraient responsables des contrôles de connaissance du client (KYC) et des services de vente au détail (aux particuliers et aux commerçants).
Une fois le projet déployé sur le territoire, les utilisateurs pourraient utiliser la monnaie numérique et le système de paiement électronique de manière anonyme dans les transactions quotidiennes, mais “les opérateurs agréés” devront soumettre les données de transaction à la banque centrale pour mettre en œuvre une réglementation prudente et lutter contre le blanchiment d’argent et les fraudes.
Actuellement, les portefeuilles sont basés sur plusieurs formes d’identification (ID). Toutes n’ont pas besoin d’inclure le nom et d’autres informations personnelles. Ils pourraient notamment accueillir des jetons numériques ou des comptes par des intermédiaires et permettre aux particuliers de décider de se connecter ou non à un compte bancaire.
Pour s’adapter à différents niveaux d’anonymat et d’accès des utilisateurs, il existerait plusieurs niveaux de portefeuilles numériques basés sur la “force” des niveaux KYC : avec des exigences de KYC plus strictes associées à des limites de transaction plus élevées.
En outre, la MNBC n’a pas pour vocation à remplacer totalement le liquide. Le recours à la MNBC devrait se limiter aux transactions en fixant des limites quotidiennes et annuelles à ne pas dépasser.
Reste à savoir quels seront les volets détaillés dans le rapport attendu sur le projet de MNBC de la FED.
Et quelle sera la structure adoptée pour la MNBC européenne…
Source : bsi.org