Ce vendredi et samedi, les 1er et 2 décembre 2023, Dakar, la capitale du Sénégal, a accueilli la deuxième édition des DAKAR BITCOINS DAYS, un forum entièrement dédié au Bitcoin, le premier du genre en Afrique. Cette édition s’est centrée sur les différentes innovations développées sur et autour du Bitcoin et a mis l’accent sur la manière dont le Bitcoin peut aider les PME sénégalaises à s’exporter. Avec la participation de panélistes reconnus dans l’écosystème, l’événement a offert une opportunité aux passionnés et aux novices d’engager des discussions sur le Bitcoin dans un cadre adapté.
Le Paysage Particulier de l’Afrique : surmonter les Défis de l’inclusion Financière
Dans la région de l’UEMOA, seulement 21 % de la population a accès aux services bancaires, ce qui constitue un obstacle majeur à l’inclusion financière. Les raisons de cette faible pénétration bancaire incluent des critères rigoureux pour la connaissance du client (KYC), une accessibilité limitée pour une population majoritairement située en zone rurale, des frais bancaires élevés, ainsi que divers enjeux politiques, économiques et socioculturels. Néanmoins, le mobile money a apporté une solution en surmontant ces obstacles grâce à un processus de KYC simplifié, une meilleure accessibilité, et des coûts plus bas, conduisant à son adoption par 92 % de la population. Toutefois, le paiement mobile présente certaines restrictions, comme des plafonnements des transferts d’argent et des limitations géographiques qui compliquent les transactions dans certaines zones.
Modou Sall, consultant en fintech et ancien banquier, présent à la conférence, a souligné que le Bitcoin pourrait être une solution efficace pour surmonter ces défis. Selon lui, “Les cryptomonnaies sont vraiment le mobile money pour les Africains”, a-t-il affirmé lors de l’événement. Cette perspective est appuyée par l’anthropologue Chelsie Yount-André de l’université de Leiden, qui, lors de la même conférence, a exposé sur le thème “Sénégal : Une culture d’envoi”. Yount-André a observé au Sénégal depuis 2005 une culture particulière d’envoi, propulsée par des nécessités financières liées à des événements sociaux et des relations personnelles, favorisant ainsi le partage et les transactions mineures. Dans ce contexte, elle a proposé que le Bitcoin et ses technologies associées, notamment le Lightning Network, puissent représenter une réponse adéquate à ces enjeux.
Le Lightning Network : une solution taillée sur mesure pour s’ouvrir au commerce international
La conférence récente a mis en lumière une innovation technologique majeure dans le monde de la cryptomonnaie : le Lightning Network. Ce réseau, décrit comme une “seconde couche” de la blockchain Bitcoin, se distingue par sa capacité à offrir une meilleure scalabilité et une plus grande facilité pour les paiements et les micro-paiements. Le Lightning Network, qui est un layer 2 de Bitcoin, a été abondamment discuté lors de cet événement. Sa popularité mondiale est indéniable, et cette technologie a été adoptée par une multitude de commerces à travers le monde. Parmi eux, on compte des géants comme McDonald’s et Starbucks, ainsi que des entrepreneurs locaux tels que Bineta Ngom du magasin “Bleu comme la mer”. Tous ces acteurs ont adopté le Bitcoin comme moyen de paiement grâce à l’intégration du Lightning Network, marquant ainsi un tournant significatif dans l’acceptation des cryptomonnaies.
L’événement a également servi de plateforme éducative pour les entrepreneurs. L’objectif était de les familiariser avec le Lightning Network, une technologie qui, une fois mise en œuvre, leur permettrait d’accepter le Bitcoin comme moyen de paiement. Cela ouvre des portes vers de nouvelles opportunités, notamment la capacité d’exporter leurs produits et de pénétrer un marché international bien plus vaste et diversifié. Cet aspect est particulièrement crucial, car il symbolise une évolution significative dans la manière dont les entreprises peuvent interagir avec une clientèle mondiale. En s’appuyant sur la technologie du Lightning Network, les entrepreneurs peuvent désormais envisager une expansion commerciale qui transcendait les frontières traditionnelles, ouvrant ainsi la voie à un échange économique plus global et inclusif.
Pour atteindre cet objectif, la conférence a mis l’accent sur des activités de sensibilisation couvrant à la fois les aspects techniques et pratiques de cette technologie. L’intention était claire : permettre aux entrepreneurs de comprendre non seulement le fonctionnement du Lightning Network, mais aussi de réaliser son potentiel d’intégration dans leurs activités quotidiennes. Le programme incluait un examen approfondi des différents aspects du Lightning Network, allant des portefeuilles custodials aux portefeuilles non custodials, en passant par ceux nécessitant l’utilisation d’un nœud Bitcoin. Ces sessions éducatives étaient cruciales pour démystifier la technologie et pour montrer comment elle peut devenir un outil puissant dans le développement commercial et la croissance des entreprises à l’ère numérique.
Transformation de la couverture médiatique du Bitcoin : un nouveau récit se dessine
La transformation de la couverture médiatique du Bitcoin au cours des dernières années marque un tournant significatif dans la manière dont cette monnaie numérique est perçue et présentée au grand public. Initialement, le Bitcoin était souvent abordé sous un angle sceptique ou mystérieux, avec une couverture médiatique se concentrant principalement sur les aspects négatifs tels que la volatilité du marché, l’utilisation dans des activités illicites, ou la complexité technique. Cependant, récemment, il y a eu un changement notable dans le narratif médiatique. Les médias, reconnaissant le potentiel révolutionnaire du Bitcoin, se sont orientés vers une couverture plus équilibrée et informative. Cette nouvelle approche met en lumière non seulement les défis, mais aussi les possibilités uniques que cette monnaie numérique offre, comme sa capacité à fonctionner en dehors des systèmes bancaires traditionnels, sa nature décentralisée, et son potentiel d’innovation dans divers secteurs.
Ce changement de perspective dans la couverture médiatique reflète une compréhension plus profonde du Bitcoin et de la technologie blockchain sous-jacente. Les médias cherchent désormais à démystifier les concepts techniques pour rendre l’information accessible à un public plus large. En fournissant des explications claires sur le fonctionnement du Bitcoin, son utilité et ses implications économiques, les médias jouent un rôle crucial dans l’éducation du public. Cette tendance s’accompagne d’une reconnaissance croissante du Bitcoin comme un actif légitime et un instrument financier innovant. La couverture médiatique inclut désormais des discussions sur la manière dont le Bitcoin peut influencer les économies mondiales, ses implications dans le domaine de la finance personnelle, et son rôle potentiel dans l’avenir de la monnaie numérique. Cette évolution narrative est un indicateur de la maturation du Bitcoin en tant que sujet d’intérêt général, dépassant les cercles spécialisés de la cryptographie et de la finance pour toucher un public plus diversifié.
Cependant, il est important de noter que, malgré ces progrès, certains aspects du Bitcoin continuent de susciter des préoccupations et des malentendus. Comme le souligne Joe Nakamoto, journaliste chez Coin Telegraph, un des enjeux souvent mis en avant est la consommation énergétique liée au minage du Bitcoin. Bien que cette préoccupation soit légitime, elle peut parfois être exagérée ou mal comprise dans les médias. La couverture médiatique s’efforce de plus en plus de fournir un contexte équilibré, présentant à la fois les défis et les innovations en matière de durabilité dans le domaine de la blockchain. En abordant des sujets tels que l’adoption de sources d’énergie renouvelables dans le minage de Bitcoin et les efforts de l’industrie pour réduire son empreinte carbone, les médias contribuent à une compréhension plus nuancée de ces questions complexes. Cette approche équilibrée est essentielle pour garantir que le public reçoit une information complète et précise, permettant ainsi une meilleure évaluation et un jugement éclairé sur le rôle et l’avenir du Bitcoin dans notre société.
Décryptage de la cryptographie et perspectives locales
En parallèle aux discussions principales sur l’innovation autour du Bitcoin et son impact potentiel sur les petites et moyennes entreprises sénégalaises, le forum a abordé divers autres sujets, soulignant les multiples aspects du domaine du Bitcoin. Un segment notable a exploré le domaine de la cryptographie, avec la contribution du Dr. Ousmane Ndiaye, enseignant et chercheur à l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop). Les exposés du Dr. Ndiaye ont offert aux participants une vision détaillée des principes cryptographiques qui sont à la base du fonctionnement sécurisé du Bitcoin.
Lors de cet événement, une initiative particulière a été mise en avant : l’introduction des principes et des concepts du Bitcoin en wolof, la langue vernaculaire, par M. Idrissa Seck. Cette approche a joué un rôle clé dans la démocratisation de la compréhension du Bitcoin, en le rendant plus accessible et compréhensible pour les locuteurs natifs du wolof. L’objectif était de s’assurer que les informations essentielles sur cette monnaie numérique ne soient pas entravées par des barrières linguistiques, permettant ainsi à un public plus large, en particulier les communautés locales, de participer pleinement aux discussions. En traduisant les concepts complexes du Bitcoin dans une langue plus familière, M. Seck a non seulement facilité la compréhension de cette technologie révolutionnaire mais a également contribué à établir un lien plus fort entre les innovations dans le domaine des cryptomonnaies et les réalités culturelles et linguistiques de la population. Cette initiative a souligné l’importance de l’inclusion linguistique dans la diffusion des connaissances technologiques, en particulier dans un domaine aussi novateur et potentiellement transformateur que celui du Bitcoin.
Le point d’orgue de l’événement a été le concours Hackathon, où de jeunes talents ont exposé leur créativité exceptionnelle dans l’écosystème Bitcoin. Les solutions présentées étaient diversifiées, témoignant de l’ingéniosité des participants. La cérémonie de clôture a comporté une remise de prix, célébrant les gagnants du Hackathon, non seulement pour saluer leurs réussites, mais aussi pour mettre en lumière l’avenir prometteur du Bitcoin, illustrant le potentiel d’innovation continue et de développement au sein de la communauté Bitcoin.
Comme expliqué dans notre article “Le Bitcoin est-il une solution pour l’Afrique ?”, les nations africaines utilisant le franc CFA disposent de ressources substantielles destinées à l’exportation, bien qu’elles soient parmi les moins productrices de richesse à l’échelle mondiale. Malgré divers ajustements observables depuis 1945, il semble clair que l’adoption du Bitcoin ne représente qu’une solution temporaire aux défis majeurs tels que le manque d’échanges commerciaux entre les pays, la compétitivité prix déclinante, le financement insuffisant de longue date, et une politique monétaire inappropriée qui confine ces nations dans une économie isolée. Ces problématiques concernent tous les pays de cette zone, à l’exception du Mali et du Burkina Faso, qui s’engagent dans une voie différente après des coups d’État respectifs. Le 25 mai 2021, le colonel Assimi Goïta a pris la présidence au Mali en remplaçant Bah N’Daw, président de la Transition. Le 30 septembre 2022, le militaire Ibrahim Traoré a commencé à diriger la transition au Burkina Faso.